Hell Yeah ! : La Fureur du Lapin Mort

Hell-Yeah_Cover[dropcaps style=’2′]La première critique que j’avais publié dans ces colonnes était L.A. Noire, aussi fringant et imparfait qu’il s’est vite révélé par être orphelin, ses géniteurs ayant mis les clé sous la porte après avoir enfanté d’un fils unique. En ce qui concerne Hell Yeah !, on se retrouve un peu dans le même cas de figure, à la différence près qu’il ne se retrouve pas vraiment enfant unique. Après, c’est vrai que ses grands frères n’ont peut-être pas forcément été finis à l’urine mais entre de petits jeux de casse-brique et shoot’em up sortis sur DS – respectivement, Nervous Brickdown et Big Bang Mini et trois petits épisodes d’une série répondant sous le nom bête et méchant d’Arkedo Series très indie, chacun étant plus mini que maxi, il est clair que les aînés font plus office d’apéritif par rapport à ce dernier effort des Français des studios d’Arkedo, ressemblant bien plus à un plat. Au final, le studio ayant annoncé sa dissolution en février dernier, Hell Yeah ! a donc la lourde tâche de faire office du seul met de ce repas à plat unique. Une nouvelle bien triste pour le paysage vidéo-ludique national car, à l’instar de ce qu’avaient pu prouver par le passé les trois opus d’Arkedo Series, les développeurs hexagonaux nous prouvent une fois de plus qu’ils ne sont peut-être ni géniaux ni parfaits mais qu’ils possèdent un certain savoir-faire et une passion sincère pour leur art qui aurait pu potentiellement les élever bien plus haut sur l’échelle vidéo-ludique dans le futur à force d’aiguisage de talent. Malgré tout, le suicide d’Arkedo ne tient et appartient qu’aux acteurs seuls – même si on peut penser tout bas que cette balle dans le pied est un assez beau gâchis – la seule chose qu’on peut faire, nous, chez Archaic, c’est de saluer l’effort du studio français, en passant généreusement ce malheureux petit orphelin taquin et indiscipliné au crible. Et comme on est de bonne foi, c’est justement ce qu’on va faire tiens…[/dropcaps]

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Une histoire de canards

Ash est un « doux » lapin… Mais pas n’importe lequel, il représente le partie de la non-vie, sa forme la plus cruelle. Sa figure est connue de tous, il est craint de ses congénères en même temps qu’il impose le respect et l’autorité. C’est en effet le Prince de l’Hellternet, l’enfer du paysage informatique, là où sont entassés les virus plus ou moins virulents – plutôt plus que moins d’ailleurs – et autres abominations des sphères virtuelles. C’est que Ash n’est peut-être pas bien grand, ni même spécialement effrayant à regarder comme ça, mais il en a un sérieux coup dans la caboche : gratuitement violent, sans cœur, insensible et assurément égoïste, papa Seigneur de l’Hellternet a bien fait son boulot en élevant sa progéniture promise à lui succéder. Mais ce que Papa n’avait pas vu, c’est qu’il y a eu toutefois un bug dans cette mission de longue haleine de dressage de lapin. Ash est un sombre pécheur qui aime se calfeutrer dans la salle de bain afin de s’adonner à sa petite activité des plus innommables et inacceptables, vilain péché dont on se doit de garder le secret afin d’éviter une catastrophe pouvant lever une révolution sanglante de tous les habitants de l’Hellternet. Ash voue en effet une fascination malsaine envers les petits canards en plastique desquels meublent tout le temps de ses bains. Quel incorrigible gamin ce Ash ! Mais voilà qu’un jour, un mystérieux paparazzi le prend sur le fait de ses activités tendancieuses et s’empresse de diffuser les clichés au travers de tout l’Hellternet. Catastrophe ! Le lapin finit par apprendre le pot-aux-roses et vraiment, il n’est pas content ! C’est ainsi, ses prochains jours seront alloués à trouver ce coquinou de paparazzi afin de se venger et détruire les preuves compromettantes. Et comme Ash est vraiment, mais vraiment pas content, il en profitera également pour régler son compte à toutes ces petites pourritures ayant déjà eu vent de l’affaire qui se dresseront sur son passage. Que voulez-vous, autant joindre l’utile à l’agréable : en plus de faire taire des témoins potentiellement dangereux, ça défoule !

Sur ce coup-là, on peut dire qu’Arkedo a fait vraiment fort en pondant une histoire qui va chier très loin. Comme vous pouvez le constater, c’est intelligent, philosophique et indubitablement profond… Blague à part, le côté scénaristique a beau être en carton, il a au moins le mérite d’annoncer la couleur dès les premières secondes : Hell Yeah ! n’est pas un jeu qui se prend au sérieux. L’humour à mi-chemin entre le potache et le lourdingue bourré de références « geeks » au cou tordu est omniprésent. De même qu’il repose sur un incroyable mauvais goût, entre second degré cradingue et trash pur et dur. De ce dernier point, la patte graphique répond comme un écho à ce ton et cette ambiance particulière. Si les graphismes en 2D n’ont rien d’exceptionnel sur le plan purement technique – ils restent toutefois honorables pour une production de ce genre – le design jouit d’une véritable personnalité qui a de quoi lui faire autant de tort que de bien. L’identité Hell Yeah !, on adhère ou on n’adhère pas au premier coup d’œil, c’est un fait. Des couleurs exagérément criardes, tel un cartoon ayant baigné dans le gore sanglant d’un giallo dès ses premiers émoi dans l’utérus maternel, il y a de quoi faire saigner des yeux. De la bonne ou mauvaise manière… Les détails sont là, fins, ils fourmillent carrément au point qu’un simple spectateur se demande si on peut tirer quelque chose de ces écrans si brouillons. Et pourtant, la rétine du joueur s’habitue très rapidement à ce constat et lui permet de s’adonner à l’aventure de façon confortable et se délecter de ce ton si barré. Hell Yeah !, c’est un trip rock’n roll – la bande-son loin d’être anecdotique appuyant beaucoup ce dernier terme – dont la raison habitant (éventuellement) le cerveau du joueur n’est pas convié. Du délire en barre, ni plus ni moins.

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Une histoire de connards

Le but du jeu reste simple comme bonjour : trucider tous les monstres sur son chemin. Même si les niveaux fourmillent de petits « bugs » – qui ne sont pas techniques, il s’agit seulement du petit nom donné aux ennemis « chair à canon » sensés nous embêter un peu qui réapparaissent régulièrement – nos cibles privilégiés sont des monstres uniques, tous dotés d’un skin inédit, en théorie vu qu’en pratique, certains ressemblent beaucoup à d’autres, et d’une histoire propre disponible dans l’encyclopédie répertoriant chaque monstre vaincu. Autant dire, libre au joueur de prendre connaissance ou non de cette « histoire » mais votre serviteur vous conseille de sacrifier un peu de votre temps de jeu pour en prendre connaissance car certaines sont vraiment hilarantes. En tout, pas moins de 101 de ces monstres uniques sont disséminés dans le jeu – 99 si l’on retire la némésis qui nous a conduit dans toute cette galère – voilà qui assure une aventure bien garnie, le jeu reposant sur une durée de vie plutôt généreuse – une dizaine d’heures pour en voir les crédits et une douzaine voire quinzaine d’heures si l’on veut faire les missions annexes – par rapport au prix affiché dans toutes les bonnes crèmeries du marché dématérialisé (12,99€ en tarif plein).

Théoriquement, ces 101 monstres auraient dû adjoindre une stratégie particulière afin de les vaincre, ce qui n’est pas entièrement vrai. On retrouve des monstres uniques appartenant « à la même famille » qui doivent être martyrisés exactement de la même manière. Malgré tout, la variété des stratégies est au rendez-vous et il faudra parfois faire preuve d’un brin de réflexion – chapeau bas pour les deux qui crèvent uniquement grâce à un dézoom de la caméra, méthode hyper conne mais tellement tirée par les cheveux que ça en fera buter quelques uns – de dextérité – certaines phases sont dignes d’un shoot’em up épileptique. Alors que d’autres sont simples comme bonjour – leur tirer dans la face et c’est gagné – voire carrément grotesques – face de cul !!! – et débiles – les joies des canards pot de colle. Chacune de ces créatures uniques se voient achevées par un finish move tout aussi généreux en hémoglobine qu’en connerie pouvant être lancé via des mini-jeux s’apparentant beaucoup au concept Wario Ware. Voilà qui ajoute une bonne dose d’humour à l’ensemble, la seule chose qu’on déplorera à ce sujet étant que les développeurs n’aient pas inclus plus de ces finish moves tant on finit vite par revoir les mêmes séquences au bout d’un moment.

Étant déjà en plein cœur de l’enfer, il est évident que tous ces monstres massacrés ne meurent pas vraiment. C’est pourquoi, pour asseoir sa supériorité de façon aussi gratuite que pratique, Ash se servira d’eux au sein d’un complexe annexe appelé The Island où l’on pourra se servir des vaincus comme de vulgaires esclaves nous apportant vie, argent et objets à force de dures besognes. Au final, l’endroit ne sert pas spécialement à grand-chose n’étant même qu’accessoire. On ne se contente que de gérer grossièrement les troupes dans les différents sites à exploiter, à les envoyer prendre des vacances sur la plage quand ils sont trop déprimés pour être productifs ou dans un lieu de torture lorsqu’ils se décident à jouer les rebelles et, surtout, ramasser les cadeaux résultant du travail de vos esclaves. Aussi futile que cela puisse être, l’île entretient quand même une part de délire : on n’y fait pas grand-chose de très poussé, on n’y reste pas longtemps non plus mais, surtout, qu’est-ce qu’on s’y fait vite de profiter de son statut de tyran abusant de ses droits pour s’adonner à la traite de monstres sans que personne ne vienne faire la morale. Le petit côté politiquement incorrect qui fait marrer en somme.

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Une histoire de lapin

Pour mener à bien notre périple, il en va sans dire qu’on contrôle notre cher petit lapin Ash. Celui-ci se retrouve à parcourir l’Hellternet de trois manières : sur ses petites pattes, par le biais d’une grosse roue faisant office de jetpack ou par véhicule (sous-marin, vaisseau volant…). Chacune de ses phases jouissent d’une approche particulière. Par exemple, Ash se retrouvera très vulnérable à pied, de même que son champ d’action et de possibilités se retrouvent restreints. Avec son jetpack de fortune, il pourra sauter plus haut jusqu’à donner l’illusion de planer ou même forer certains types de roches, petit clin d’œil non camouflé à Mr. Driller et consort. Enfin, il pourra visiter l’espace ou les tréfonds marins via les véhicules. Toutes ces phases se succèdent les unes après les autres afin de donner un (faux, j’y reviendrai un peu plus tard) goût de variété au jeu. Intentions louables que voilà mais, à l’instar de l’identité visuelle du jeu, la jouabilité est un point qui sera rédhibitoire pour plus d’un joueur. Ash sur sa roue est mystérieusement glissant, ce qui a un sévère impact sur la précision. Phases de roue sur sol savonneux mis à part, on reconnaît un autre manque de précision sur les phases à pied et véhiculés, le lapin et ses engins donnant une rageuse impression d’être retenus prisonniers par une enclume bridant leurs mouvements. Ceux ayant déjà les yeux qui saignent au premier coup d’œil n’auront pas besoin de plus pour abandonner amèrement et prématurément l’aventure au bout de cinq minutes en déblatérant toute leur haine sur la dernière progéniture d’Arkedo.

Malgré tout, même si la prise en main se révèle bizarre au démarrage, énervera certainement durant le premier niveau, la patience finira quand même par être récompensée. Certes, c’est particulier mais on finit par s’y habituer, faire avec, jusqu’à même finir par faire des prouesses avec notre truc plein de poils à grandes oreilles. Ce qui n’empêchera pas pour autant de faire rager durant les missions annexes, missions assez répétitives ne reposant qu’autour de la rapidité, dextérité et réflexe du joueur avec une difficulté assez retord étant donné qu’aucune marge d’erreur n’est laissée en terme de timing. Du reste, en dehors de ces missions sur lesquelles il est aisé d’ignorer, la quête principale de Hell Yeah ! s’articule autour d’un mélange d’action, de plate-forme et d’exploration. Une sorte de Metroid – style qu’on nomme volontiers metroidvania, ne soyons pas vieux cons et flirtons avec l’air du temps – grossier, simplifié et restreint. Mais si l’on se réfère à tout ce qui a été dit plus haut, le côté pas très poussé, presque superficiel comparé aux ténors du genre, de l’ensemble du côté metroidvania se veut excusé par une pléthore de greffes d’autres petites broutilles stylistiques (Wario Ware-like, shoot’em up, etc).

Qui dit « exploration » rime avec level-design pour être crédible. De ce côté-là, Hell Yeah ! n’a pas besoin de baisser les yeux avec un sentiment de honte. Il s’en tire même incroyablement bien. Les décors sont variés et sont appuyés par une ambiance impeccable. Certes, il est certain que tous les niveaux ne s’en tirent pas de la même façon mais disons qu’on oscille entre la mention « bonne » (le volcan, la prison…) et « excellente » (le monde psychédélique ou même le délirant et à la fois pète-couille tendance traumatisant Happy-Cute Land…). De plus, les différents clins d’œil pouvant à la fois tourner autour du fan-service vidéo-ludique et aux délires sociaux très South Park sur les bords ne feront que rendre la découverte des différents lieux drôle et attachante. Ce sera d’ailleurs la phase-même qui fera qu’on s’acharnera à voir le bout du jeu.

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  1. Les graphismes ultra flashies de ce jeu vidéo me rappellent quelque peu l’écran d’intro d’Hotline Miami (même si le jeu n’a aucun rapport). Côté humour on se rapproche pas mal de ce qui se fait dans les jeux indépendants comme Kingdom Rush. Je pense que je vais peut-être me laisser tenter si le jeu s’inspire vraiment du Gameplay des Metroid 2D et des Castlevania <3

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