Uncharted 3 : L’illusion de Drake

La Playstation 3 a gagné ses lettres de noblesse grâce à Naughty Dog et ses deux Uncharted, repoussant sans cesse les limitations de la console. Pour ce troisième volet des aventures de Drake, le studio californien tente d’aller encore plus loin dans le spectacle et continuer de lorgner sur la frontière séparant le cinéma du jeu vidéo. Uncharted 2 : Among Thieves avait placé la barre très haute. Uncharted 3 a troqué son sous-titre Drake’s Deception pour « L’Illusion de Drake » en France. Espérons que le nom original n’avait rien de prophétique…

Tout commence bien après la fin d’Among Thieves. Nathan Drake et Victor Sullivan continuent d’investiguer sur ce bon vieux Drake. Au cours de son voyage depuis les Indes vers l’Europe, Drake a occulté plusieurs mois de traversées. Mois pendant lesquels il est soupçonné d’avoir découvert la cité légendaire Atlantide des sables, théoriquement située dans les 1000km de long du désert Rub’Al Khali, situé au sud de l’Arabie Saoudite. Mais Sir Francis Drake n’est pas le seul à avoir découvert ce lieu, il se pourrait bien que Lawrence D’Arabie ne soit pas étranger à cette histoire. C’est pourquoi les deux compères, épaulés par Chloé et d’un petit nouveau, Cutter, s’embarquent dans un voyage qui va les mener en Angleterre, en France, en Syrie et autres destinations exotiques. Le voyage ne sera pas de tout repos d’autant qu’ils ne sont pas les seuls sur le coup puisque la redoutable Katerine Marlowe n’aura de cesse de venir « réclamer son dû » épaulée par celui qui deviendra la bête noire de Drake. L’histoire peut paraître simple mais Naughty Dog a profité de cet épisode pour approfondir les relations entre les multiples personnages et surtout mettre à mal notre héros. A vous de découvrir pourquoi le sous-titre français « L’illusion de Drake » est loin d’être usurpé…

Pour ce troisième tome, il est évident que les développeurs ont encore une fois voulu pousser les limites de la console plus que de raison. Alors qu’Among Thieves pouvait être considéré comme l’étalon de la Playstation 3, son petit frère vient lui chiper la place et ce grand mal. Visuellement, la baffe est d’un ton bien moindre que celle entre les deux premiers, toutefois, techniquement, le fossé est bel et bien là. Les textures se veulent encore plus riches et fines, les protagonistes ont encore gagné en réalisme, au point de nous faire oublier de temps à autre leur peau de synthèse. Le moteur est, pour ainsi dire, jamais pris à défaut, que vous soyez en train de virevolter sur les toits d’Amérique du Sud ou de vous échapper d’un navire en train de couler. L’effet de l’eau est tout simplement prodigieux, requérant d’ailleurs un processeur entier du CELL pour lui tout seul. L’animation se veut, elle aussi, irréprochable nous offrant comme dans le volet précédent des courses poursuites d’anthologie, sans jamais nous crisper. Si la prise en main et la maniabilité des Uncharted a toujours été un sujet de préoccupation des équipes, elles se révèlent juste parfaites ici. Vous retrouvez toutes les petites fonctionnalités d’antan, avec toujours plus d’enrobage : les combats au corps à corps sont plus présents que jamais avec une montagne de nouvelles interactions avec le décor. Nathan dispose des mêmes mouvements que par le passé mais les réalise bien plus naturellement. L’impression d’assister à un film interactif n’a jamais été aussi présente tant le rendu est sidérant. Uncharted 3 rafle donc sans problème, jusqu’à ce que les projets suivants de Naughty Dog ne lui reprennent, le titre de plus beau jeu de la Playstation 3. Même si la finition a tendance à ressembler davantage à celle du premier que du second volet : traverser une voiture lors d’une roulade ou rester bloqué dans un mur de château sont des mésaventures qui peuvent survenir. A croire que cet Uncharted 3 a été rushé sur la fin…

Mais il serait criminel de bouder son plaisir pour quelques soucis techniques, les développeurs ayant prévu encore plus de scènes chocs et d’ennemis à combattre. Bien qu’améliorée en 2009, deux ans plus tard, l’intelligence artificielle n’a pas progressé d’un iota, avec des hommes de main relativement benêts, n’hésitant pas à foncer vers vous sans réfléchir. Pire : ils ne remarquent pas forcément un cadavre près d’eux, alors qu’ils peuvent par instant vous voir dans le noir à plusieurs mètres, ce rend les phases d’infiltration assez incongrues. Ils reprennent ici la recette d’Uncharted 2 : Among Thieves et l’appliquent avec des graphismes encore meilleurs. Il est d’un côté aisé de critiquer cet Uncharted 3 sur sa prise de risque minime… mais de l’autre, les changements apportés par rapport à sa préquelle sont ses tares. A commencer par le rythme et l’histoire. En voulant modifier la narration, l’équipe n’a pas su retrouver le récit parfait qu’elle avait su réaliser par le passé. La longueur des niveaux se révèle tout aussi inégale laissant certains lieux trop longtemps à l’écran et ce malgré leur intérêt somme toute limitée, notamment un certain cimetière de bateaux peu passionnant et irréaliste. Sans compter qu’à vouloir nous faire voir du pays, Naughty Dog vous ballotte un petit peu trop vous empêchant de réellement rentrer dans le lieu que vous visitez. Dernier point gênant : la césure de milieu de parcours qui fait complètement disparaître des personnages pourtant intéressants, donnant réellement l’impression d’inachevé, d’inexploité.

Moins marquante, l’aventure se trouve également plus courte, avec ses huit-neuf heures de jeu la première fois et drastiquement moins la seconde, la recherche de trésors étant peut-être le seul moyen pour allonger cette épopée solo. Tout comme dans le volet précédent, un mode multijoueur prend la relève, toujours avec du deathmatch, du capture the flag et de la domination. Du coop au travers de missions spéciales, détachées du scénario principal, rattachées à des environnements d’Uncharted 2 et 3, mais aussi et surtout de la personnalisation de votre personnage. Il est en effet possible de gagner des points pour ensuite améliorer ses armes et capacités. A noter une excellente idée : le bouton Dash qui permet de courir encore plus vite qu’en solo pour rythmer encore plus les parties en ligne. Même si ces modes peuvent paraître optionnels, il faut bien reconnaître leur additivité au point d’amener davantage d’heures de jeu que le solo. Preuve que le système de jeu d’Uncharted, bien que moins guerrier que celui d’un Gears of War offre tout de même un jeu en ligne très fin.

Difficile de faire mieux que Uncharted 2 : Among Thieves, tellement difficile que les équipes de Naughty Dog n’ont pas réussi. Peut-être est-ce la pression, peut-être est-ce le développement conjoint de The Last of Us, en tout cas, Uncharted 3 : L’illusion de Drake n’égale pas son aîné en terme de plaisir et de narration. Preuve que la technique ne fait pas tout, car de ce point de vue là, le pari est relevé haut la main. Il n’en reste pas moins un des tout meilleurs titres du genre sur Playstation 3, un peu plus court que Among Thieves certes mais diablement accrocheur en multi, et épaulé, soit-dit en passant par une bande son du tonnerre que ne renierait pas le cinéma. A bon entendeur.