Tomb Raider

tomb-raider-reboot_jaquette[dropcaps style=’2′]Qui peut se targuer de ne pas connaître Tomb Raider ? Certainement un jeune gamer vieilli en fût de carton pendant même pas cinq ans d’âge. Car pour ne pas connaître Lara Croft, il faut soit être une fille entremêlant frigidité et misogynie mal placée – misogyne et non féministe, vous avez bien compris, notre Lara représentant bien trop un modèle de Girl-Power pour attirer ce genre de foudres – ou bien être un petit gars pré-pubère n’ayant aucune connaissance du monde touche-pipi et auscultations médicales dans un coin des toilettes du cours primaire. Car la série devenue aujourd’hui mythique et iconoclaste d’une certaine frange du jeu d’aventure a bercé toute une génération. Celle qui a connu l’ère 32 Bits. Dont je fais partie. Sauf que de Tomb Raider, si j’ai bien lorgné comme tout le monde sur l’amas de pixels montrant courbes généreuses et poitrine progressivement siliconée, on ne peut pas dire en revanche que j’ai beaucoup apprécié la blague : une héroïne bien foutue, roulée comme une déesse sans un gramme de moins ni même de trop, pourquoi diantre se maniait-elle comme si on lui avait greffé un proto-squelette bionique garanti 100% plomb massif ? Un simple petit détail bien suffisant au fait de rester à bonne distance de la trilogie originelle qui a forgé toute la gloire de Tomb Raider. Puis, la qualité a fini par en prendre un coup, l’arrivée de l’ère 128 Bits ayant ravagé toute la noblesse que le nom inspirait. Ah ça, L’Ange des Ténèbres aura autant fait sourire et frémir que l’adaptation cinématographique du jeu avec une Angelina Jolie en tête d’affiche. Car il fallait bien s’y faire : le jeu vidéo a évolué depuis la première machine de Sony. A ce niveau, même repris en main par Crystal Dynamics via Legend, Anniversary et Underworld dans un résultat moins badasse, Tomb Raider n’a jamais su passer ce cap en restant farouchement sur ses positions ancestrales et rigides pour un résultat qui semblera toujours démodé. Ce qui explique la perte de vitesse, une notoriété reposant uniquement sur la nostalgie et non sur son actualisation, perdant ainsi une génération de joueurs en chemin. Alors honnêtement, arriver sur PS360 en suivant la mode du reboot, je trouve qu’au vue de l’histoire de la série, ça ne pouvait lui faire que du bien. Quand bien même ça risque de faire râler des vieux cons et autres conservateurs obsessionnels.[/dropcaps]

tomb-raider-reboot_screen-001

Lara Crusoé

On retrouve ainsi une Lara Croft, adolescente et encore étudiante, à bord de l’Endurance, navire parcourant les flots japonais, remontée tel un coucou suisse comme une gamine à l’approche de Noël. Il faut dire qu’elle mène alors une de ses toutes premières expéditions, visant à farfouiller les contrées du Soleil Levant afin de retrouver la trace d’une civilisation disparue, les Yamatais, si méconnue et oubliée qu’elle ferait presque office de légende urbaine dans le doux paysage des Historiens. Malheureusement, l’île sur laquelle elle et le reste de sa troupe, collègues et membres de l’équipage du bateau, devaient débarquer se révèle bien plus inhospitalière que prévu. Avant même de poser un pied à terre, ils doivent faire face à des conditions climatiques dignes de celles du Triangle des Bermudes et arrive ce qu’il arrive : l’Endurance ne porte pas aussi bien son nom qu’on pourrait le croire et finit par s’échouer malgré les efforts de toutes les paires de bras présentes.

Lara finit par se réveiller dans l’obscurité et la moiteur d’une caverne, pendue tel un jambon par les pieds. Dès la mise en bouche, que ce soit via l’introduction cinématique résumée ci-dessus ou cette première portion de jeu, on se retrouve face à une cruelle réalité : c’en est ici fini de l’héroïne forte et intouchable qu’on a jadis incarné. Enfin, à supposer qu’elle ait commencé en fait. Car ici, le côté jouvencelle de l’adolescence nous montre un visage plus fragile, en proie à la peur et au doute. Et dans cette caverne, c’est bel et bien une Croft terrorisée, passant déjà par un état de choc avant même de commencer à agir. En même temps, vu la décoration intérieure franchement macabre, on ne peut que lui donner raison. Car entre les crânes, les cadavres, le sang séché servant de papier peint de fortune, on ne peut pas dire que l’endroit jouit de l’ambiance cocooning exotique que l’on voit au travers des pages d’un catalogue de Maisons Du Monde. Et de l’autre côté de l’écran, il y a de quoi être bien crispé dans son canapé car l’ambiance et la mise en scène donnent tout pour que ce soit le plus pesant et glauque possible. Affreusement linéaire, on avance dans ce couloir, intercoupé d’hésitations de l’héroïne et obstacles la résignant à continuer face à elle, QTE et autres petites phases de plate-formes. Première rencontre avec la peuplade humaine locale, les Solariis dont la convivialité n’a d’égal que la folie de leur leader, et premières désillusions sur sa propre espèce, Lara finit par voir le bout du tunnel et le grand air. Et nous aussi. Car sortir s’est révélé rocambolesque, mené glorieusement avec la chance du débutant mais ce huit-clos avec cette Croft se révèle bien nécessaire. Après tout, il faut bien apprendre à la connaître et à la cerner tant son visage nous paraît aujourd’hui bien différent que celui qu’on a pu connaître. Et ce visage… Bon sang, que Crystal Dynamics a bien fait son boulot niveau modélisation ainsi que sur la réussite de ce nouveau look adolescent – tout du moins, à mon goût, j’imagine que les pixels manqueront bien à d’autres – de même que sur la transcription de son comportement tant il est très facile de compatir à sa situation, de comprendre ses réactions. Une Lara Croft humaine, plus un tas de pixels déambulant dans un Indiana Jones à seins X Rambo. Même si bon, de Rambo, elle en a quand même le sang puisque dans tout le jeu, elle va s’en prendre plein la gueule. Aussi bien physiquement que psychologiquement et force est de constater que sur ce premier point, elle n’a pas forcément à rougir face à Chuck Norris.

Ne nous évadons pas trop loin. L’air libre au bout du tunnel on disait. Après ce petit rencard intimiste avec notre belle, plutôt musclé et soutenu, la nature nous paraît fort agréable. Pour les yeux déjà. Les modélisations et les cinématiques étaient déjà pas mal mais il s’avère qu’en tout point, le jeu est franchement magnifique, une réalisation qui nous donne complètement l’ordre d’idée du budget et des prétentions que Crystal Dynamics peut avoir avec ce reboot : du grand show AAA tendance hollywoodienne dans l’air du temps, ni plus ni moins. Des promesses et parti-pris assumés dès les premiers temps de didacticiel. Alors autant dire que si l’assistance en est frileuse et vieux-jeu quant au sort de la série, autant tourner les talons tout de suite et grommeler ses aigreurs devant sa PSone comme les incorrigibles ronchons qu’ils sont. Et Lara face à ce paysage paraissant bien plus paisible et bucolique que ne l’était la caverne ? Eh bien, elle est faiblarde, entre froid, fatigue et faim. La faim tiens, parlons-en. Comment y pallier ? A mains nues, cela paraît bien difficile. Par contre, une fois ce cadavre détroussé de son vieil arc de fortune miraculeusement conservé, les choses sont bien plus aisées. Et nous revoici face aux bons vieux instincts primaires de survie : exit les considérations qu’un daim, c’est fort mignon. Non, là, c’est plutôt de la viande, un garde-manger sur pattes qu’il faudra traquer, corde tendue et flèche sifflante. Une petite pause légère et doucerette, fort banal du point de vue d’un naufragé, avant de reprendre sa route au travers de l’île en quête de retrouver trace des ses compagnons disparus et trouver un moyen afin de quitter cette île tout sauf hospitalière… Et pourquoi pas de l’objectif premier, à savoir, trouver traces et vestiges des Yamatais au passage. Voilà un peu, grosso modo, les dix premières minutes de jeu, didacticiel en bonne et due forme qui nous présente toutes les promesses du soft dans toutes ses facettes, du linéaire effréné aux phases plus calmes, presque contemplatives où l’on retrouvera son souffle et son calme où l’on explorera bien plus qu’on ne mettra en joue. En cela, il faut reconnaître que ce n’est pas forcément original pour deux sous mais ça a le mérite d’être plutôt bien fichu.

tomb-raider-reboot_screen-002tomb-raider-reboot_screen-003

Lara Drake

Pas original car la recette a déjà été défrichée par un certain Naughty Dog avec sa série des Uncharted. Et dire que Tomb Raider ne lorgne pas de ce côté serait véritablement nier l’évidence. Car au final, on retrouve exactement les mêmes composantes de gameplay que celles régissant dans les aventures de Nathan Drake. La seule démarcation venant du fait que la recette n’est pas forcément dosée de la même façon.

On reste sur une bonne part d’action, phases de TPS, tantôt tranquilles, tantôt effrénée où l’on se demande parfois si les Solariis n’ont pas des effectifs illimités tant les vagues peuvent parfois être nombreuses. Malgré tout, Lara arrive à se démarquer de son alternatif masculin avec une prise en main bien plus agréable. C’est bien simple : manier une arme n’aura jamais paru aussi agréable, avec mention spéciale pour l’arc qu’on le prendrait presque comme composante du bras de Lara tant son utilisation est confortable. Arc d’ailleurs qui peut donner court pour certaines phases où le nombre d’ennemis et l’architecture s’y prêtent à une approche pas si éloignée de l’infiltration. Malheureusement, on s’y approche sans l’atteindre car hormis infliger son armada de flèches dans chaque tête d’un petit groupe d’adversaires assez rapidement dès lors qu’on ouvre commence à ouvrir les hostilités de façon fourbe, l’IA fait qu’une fois notre présence détectée, on se fasse canardée sans vergogne, quand bien même l’on resterait à couvert. Intelligence Artificielle qui ne détrône pas celle développée par Naughty Dog soit dit en passant, preuve que le beurre et l’argent du beurre ne peuvent décemment pas s’acquérir sur le même temps. On l’aura compris, même si on peut jouer avec quelques rares subtilités pseudo-pattes de velours n’existant pas spécialement chez Drake & Co – la sensibilité féminine sans doute – , Tomb Raider reste un candidat plutôt bourrin qui ne va pas par quatre chemins. Ce n’est pas ces séquences de QTE, nous prenant la plupart du temps en traître, qui iront prétendre du contraire tant elles arrivent sans crier gare. Au moins ont-elles l’intérêt de pointer le bout de leur nez dans des moments cohérents sans que l’action du moment ne soit vraiment altérée et même si les premières minutes de jeu semblent nous en livrer par palette, il s’avère qu’elles ne sont finalement pas si fréquentes que cela durant l’ensemble du jeu.

Là où Tomb Raider se démarque de son modèle, c’est sur la place laissée à l’exploration. Si l’on retrouve, à l’instar d’un Uncharted, ce côté couloir linéaire, on a également le droit à ce que ces passages relient des zones plus vastes. Bien sûr, libre à nous d’aller en ligne droite ou de les farfouiller en long en large et en travers histoire de les détrousser de tous leurs secrets. Car les collectibles sont nombreux dans Tomb Raider – gare aux allergiques du concept qui auront de quoi grincer des dents tant la durée de vie se retrouve amoindrie si l’on fait l’impasse sur ce genre d’annexes bien qu’il y a possibilité d’afficher leur localisation sur la map si l’on s’attarde sur le cas des tombeaux – et les trouver peut parfois friser le challenge tant l’architecture n’a pas été créée comme un simple chemin aménagé pour randonneurs du dimanche. Les plates-formes, tyroliennes, parois à gravir, invitations à usiter de flèches-lianes ou flèches enflammées et autres obstacles quotidiens du bon aventurier moyen se révèlent nombreux et il faudra parfois faire preuve de jugeotte et de réflexes afin de se frayer l’accès jusqu’à tous ces petits à-côtés. Là encore, Crystal Dynamics a bien fait les choses en terme d’optimisation de prise en main. Eh oui, Lara Croft semble enfin jouir d’un poids normal manette en main ! Dire qu’il a fallu 2013 pour qu’on lui retire son enclume logée au creux du postérieur… Et franchement voilà qui fait bien plaisir à voir et surtout à jouer.

Comme toute bonne civilisation, les Yamatais n’ont pas laissé leurs trésors et autres vestiges dans des endroits se voyant comme un nez au milieu de la figure, ni même à portée de main. Car oui, un trésor, ça se mérite ! On trouve ainsi la présence de tombeaux, facultatifs dans leur pillage tant ils n’entrent pas en compte dans la quête principale, où l’on sera confronté à des énigmes. Un héritage historique de la série bien connue pour cela. Même si du coup, on lorgne clairement encore vers Uncharted sur l’accessibilité de ces énigmes bien qu’un peu moins simplissimes quand même. Dans tous les cas, aucune difficulté n’est de mise si notre cerveau et nos réflexes ne sont pas amputés de matière grise et de doigts. Pas longs, pas non plus forcément rebutant ni même contraignant, il faut quand même admettre que leur présence est plutôt anecdotique. Dans l’ordre du détail qui marque quand même un sympathique clin d’œil que Tomb Raider n’a pas forcément tout perdu en chemin, qu’il hérite de ses aînés et qu’il n’est pas qu’un Uncharted-bis où Drake se fait remplacer par une charmante donzelle.

tomb-raider-reboot_screen-004

Lara Craft

Bien au contraire, s’il singe beaucoup sur ce qu’a pu instituer Naughty Dog, reconnaissons quand même que Tomb Raider arrive à se coller sa propre identité. Grâce à ce petit remaniement de recette de gameplay mais aussi grâce à un scénario s’avère moins cucul que ce qu’on a pu voir dans Uncharted en accordant plus de gravité et de maturité. Et même niveau mise en scène, ce reboot n’a rien à envier à son modèle tant l’histoire se suit avec une facilité déconcertante. Tomb Raider nous scotche à notre canapé malgré quelques moments badasses et un final absolument grand-guignolesque. Pas forcément dommageable en soi, les péripéties de Drake en contenaient bien davantage, preuve que la gloire ne s’obtient pas forcément en se cantonnant uniquement dans le premier degré. En tout cas, il est clair que si l’on a décidé de faire la récolte de collectibles en cours de jeu au fur-et-à-mesure, il n’est pas rare que l’envie de revoir ses plans autrement pointe le bout de son nez, signe que ce show tantôt juste tantôt prônant la surenchère hollywoodienne AAA – de pas si mauvais goût, loin s’en faut – fait mouche. De même que le casting, bien que loin d’être irréprochable tant tous les personnages secondaire ne sont pas logés à la même enseigne, s’en sort bien mieux que les protagonistes mis en place par Naughty Dog. Pas d’une cohérence à toute épreuve – le jeu vidéo est un média qui doit encore apprendre pour que ce genre de point soit irréprochable – la psychologie qui règne est quand même plus fine, moins caricaturale. Et ce, même si on passe une bonne partie du soft à jouer au jeu « Où est Sam ? », greluche aussi avisée qu’une Peach en terme de bonne volonté de victimisation d’enlèvements.