Les Chevaliers de Baphomet : Director’s Cut

Une reconnaissance des mouvements dans l’espace, la possibilité de viser l’écran, une interface simple, quoi de mieux qu’une Wii pour adapter un point’n click ? Les jeux d’aventure, l’un des fers de lance du PC il y a encore quelques années, a toujours sembler être un judicieux choix pour réaliser un jeu Wii. A nous les joies de la réflexion et des casse-têtes à la logique tordue ! Eh bien, cela n’a pas été le cas tout de suite en raison d’un surplus de consommateurs plus enclin à soigner leurs rhumatismes ou à sauver de naïves princesses qu’à faire travailler leur intellect. Oui mais voilà, Capcom a su rappeler à tous l’incroyable potentiel de la console au travers d’un ambitieux Zack & Wiki et plus récemment, Pendulo Studios avec l’excellent Runaway 2. Décidé à redonner un second souffle à sa série fétiche, Revolution Software s’engouffre enfin sur ce marché et propose une version revue et corrigée de son chef d’œuvre, Les Chevaliers de Baphomet.

– Un zoo à Paris

Les Chevaliers de Baphomet ? Pas tout à fait. Le titre du jeu se voit octroyer un sous-titre : Director’s Cut. Serait-ce synonyme d’ajouts ? Nous en parlerons plus tard. Pour l’heure, il est temps de poser les bases pour comprendre ce titre et notamment l’un de ses points forts : le scénario. Charles Cecil, papa de la série des Broken Sword (le nom d’origine), a su ancrer l’histoire de son jeu dans le réel comme dans le passé et le fantastique. En effet, nous sommes à Paris, de nos jours. Un meurtre a lieu chez les Choucard, de la part d’un mime. Le lendemain matin, à la terrasse d’un café, un autre homme, Plantard, est assassiné par un clown. Deux autres meurtres « costumés »ont eu lieu, en Italie, et au Japon. La police patauge tandis qu’un américain en vacances à Paris, George Stobbart, témoin de l’attentat du café, décide de fourrer son nez là-dedans et retrouver le coupable. Pour l’aider, une jeune journaliste décide de faire équipe avec lui, Nicole Collard. Le couple de nouveaux enquêteurs tente alors tout ce qui est possible pour mettre la main sur les maigres indices laissés sur les lieux des crimes. De fil en aiguille, l’ombre des Templiers et d’un complot mondial se met à planer au-dessus de toute cette affaire, affaire qui mène nos héros à Paris, bien sûr, mais également en Irlande, par exemple.

– La grande vadrouille

Les Chevaliers de Baphomet nous fait moins voyager que son cadet Les Boucliers de Quetzacoalt, mais il nous permet de découvrir une vision anglaise de la France. Pas désagréable du tout du reste. Il revisite le passé de notre cher pays et nous lance sur la trace de la plus grande milice religieuse que l’Histoire ait connue. Rien que ça. L’ampleur de l’événement nous échappe au départ, pour peu à peu se rapprocher de notre regard. Nous sentons qu’ourdit en silence un gigantesque événement, mais notre doigt a bien du mal à se positionner dessus. C’est pourquoi il nous faut avancer dans l’intrigue pour en découvrir toujours plus. La progression se fait par écrans fixes. Comme tout point’n click, les héros se baladent dans des environnements figés, mais diablement bien détaillés, dans lesquels il est nécessaire de passer son curseur sur le moindre objet espérant secrètement l’utiliser ou l’emmagasiner dans son inventaire. Ce système de jeu des plus archaïques se fait une petite jeunesse sur Wii grâce à l’utilisation tout à fait intuitive de la wiimote. Le jeu n’utilise que deux boutons : A pour saisir et B pour regarder. L’inventaire et le carnet de bord sont accessibles via des icônes judicieusement placées dans les coins gauches de l’écran. C’en est même à se demander si ce n’est pas encore plus simple qu’avec une souris, c’est dire. Il est donc enfantin d’examiner un objet, de le placer dans son inventaire et de l’en ressortir pour interagir avec le décor ou un personnage.

– A chacun sa voix

Les seconds rôles sont d’ailleurs légion dans Les Chevaliers de Baphomet. Chaque lieu recèle son lot d’atypiques personnages, de ceux qui vous marquent au point de vous en souvenir des années plus tard. Lady Piermont et son accent british teinté d’aristocratie, Lobineau et son allure nonchalante contrastant avec son savoir sans borne, Rosso le flic aux pouvoirs psychiques ou encore le petit Maguire qui fait passer Remy sans famille pour l’enfant le plus heureux au monde. Ils ont tous un caractère bien affirmé, aussi bien dans leur allure, dans leur physique que dans leur parler. Le doublage fort réussi du jeu a toujours su nous immerger totalement dans cette aventure. Grâce aux nombreuses possibilités de dialogue, nous en apprenons beaucoup sur chaque intervenant, à tel point qu’ils prennent vie et restent dans les mémoires. Il s’agit là d’une des très grandes forces du jeu : faire vivre ses personnages. Car si les pnj sont remarquablement réussis, il ne faudrait pas oublier Nicole et George. Les doubleurs sont remarquables et si Les Chevaliers de Baphomet sur GBA a si peu plu, il ne faut pas trop se demander pourquoi, surtout quand on sait que cette version était dépourvue de voix. Mais le summum tient dans la constante ironie de George sur les personnes et objets qui l’entourent. Nulle vulgarité, nul humour gras, rien que de l’ironie et du cynisme qui font mouche, tout simplement.

– Papy versus le fiston

Nous pourrions résumer Les Chevaliers de Baphomet a un concentré de rires et de casse-têtes, le tout enrobé d’un très bon zeste d’aventure. La recette était plus que délicieuse il y a dix ans et l’est toujours sur la console de Nintendo. Revolution n’a pas touché à ce qui faisait le bonheur des fans et toute l’essence de son jeu. Mais où sont donc les nouveautés ? Et le director’s cut ? Eh bien, nous y arrivons justement, et il débute par l’ajout de pas mal de scènes tournant autour de Nicole. Personnage-clé du premier, elle n’est devenue jouable qu’à compter du second volet. Nous prenons son contrôle d’entrée de jeu, ce qui bouleverse bien évidemment toutes nos vieilles habitudes. Nouveaux lieux, nouvelles énigmes, nouveaux personnages et surtout des éclaircissements sur quelques points qui sont restés obscurs par le passé. Ces scènes s’inscrivent à la perfection dans la narration d’origine à tel point que le nouveau venu n’y voit que du feu et le vétéran se demande si c’était déjà ainsi. Les doubleurs de la série sont donc revenus afin de non seulement doubler ces nouvelles conversations mais aussi rajouter quelques phrases celles existantes. Et c’est là que le (premier) bât blesse. Les développeurs ont repris tous les dialogues d’origine avec le son qui va avec. Résultat : ces derniers sont d’une qualité toute autre que ceux dernièrement ajoutés. La différence choque dès la fin du prologue de Nico, au moment où l’aventure débute réellement reprenant la scène d’ouverture d’origine. Est-ce que les développeurs auraient dû tout faire réenregistrer ? Est-ce qu’ils auraient dû voiler les nouveaux dialogues ? Le débat est ouvert. Les fans passeront très certainement passer outre ce couac. Les autres émettront immédiatement les premières réserves, réserves confortées par l’aspect technique.

– Et tu pouintes…

Eh oui, bien qu’il s’agit d’un remake, Revolution n’a pas tenu à trop dénaturer son œuvre et s’est contenté d’affiner les décors en 2D. Détaillés comme en 1998, ils n’en sont pour autant pas très fins. Certains flattent même la rétine. En revanche, les sprites symbolisant les personnages sont d’époque. Encore une fois, nous ne pouvons que nous étonner au premier abord. N’aurait-il pas été utile de les refaire ? La réponse ne paraît pas si évidente. Voulions-nous un jeu 2009 ou retrouver la joie d’un titre de 1998 sans avoir à plisser les yeux ? D’autant qu’il serait dommage de ne retenir que ces mauvais côtés. En effet, en sus des scènes coupées, nous avons le droit à des énigmes faites pour la Wii. Tourner la télécommande avec douceur pour ouvrir un mécanisme proche de celui des coffres-forts et résoudre des puzzles pour libérer deux verrous font partie de ses moments inédits dans Broken Sword. De plus, le titre se veut, wii oblige, plus accessible. Aucune énigme n’est plus simple, heureusement, mais une aide, disponible dans le coin supérieur droit et supprimable dans les options, octroie à loisir des indices aux joueurs paumés. Sur ce point, il n’y a guère à tergiverser : Revolution software a clairement fait le bon choix sur ce coup-là, ne bridant pas les personnes chevronnées et autorisant les plus moins cérébraux à tenter l’aventure.

Les Chevaliers de Baphomet Director’s Cut est un fabuleux hommage aux joueurs de la première heure, ceux qui l’ont retourné moult fois sur PC et Playstation. C’est un peu comme rejouer au même qu’à l’époque mais plus simplement et avec des scènes supplémentaires, faisant passer la durée de vie de 8 à 9 heures. Le plaisir de découverte n’est plus totalement présent, mais cède sa place à celui de la nostalgie pure et dure. A l’instar de Mastercard, le sourire qui nous traverse à chaque tableau n’a pas de prix. La force de cette galette Wii est qu’elle conviendra très certainement aux nouveaux joueurs. Habitués à des titres pas forcément impressionnants graphiquement, ils y verront un jeu à l’ambiance graphique tirant sur le cartoon, des décors français et l’occasion de découvrir un classique. L’aide leur offre de plus l’opportunité de ne pas mourir de frustration sur un puzzle, en espérant qu’ils n’en abusent pas, bien sûr. Il serait dommage de faire chuter l’endurance du titre à cause d’une flémingite des neurones. Il faut en effet tabler sur une bonne douzaine d’heures pour le néophyte. Honnête pour le genre. Charles Cecil ne nous livre pas un soft parfait, les soucis de sons et de vieux sprites ne sont pas à oublier, mais devant le plaisir ressenti au cours de l’aventure, il serait dommage de les mettre au premier plan. Les Chevaliers de Baphomet revient tout de même rajeuni, frais et toujours aussi passionnant. Un must-have pour les possesseurs de Wii.

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