Survivance #5 : Men in Black

On préfère l'oublier

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Enfermez-vous dans une pièce, seul(e), éteignez-les lumières, branchez le casque, et (re-)plongez avec nous dans le macabre univers des survival horror. De façon occasionnelle, Mizakido et Vidok vous proposent de revenir sur un titre, dans une ambiance décontractée, pleine d’anecdotes, de tranches de vie et d’infos en tout genre. Chaque jeu sera choisi par l’un des deux rédacteurs et chacun devra justifier de son choix, certains, vous le verrez, seront des plus exotiques… Attention, âmes sensibles s’abstenir, ça va gicler.

Mizakido : « Le tueur de Resident Evil 2 ? » S’agit-il d’une faute de frappe ou d’un gros sarcasme ? Non, car franchement, à l’époque, Consoles + et le magazine officiel PlayStation (même lui) avaient descendu ce… Cette… Chose ? Après, peut-être que le présent magazine avait raison ? Sinon oui, il fallait acheter une Nintendo 64.

Vidok : Playmag était un magazine plutôt sérieux, en tout cas au travers de mes yeux d’enfant. Mais c’était la période où les exclusivités se négociaient à coup de première page fracassante. Le magazine avait réussi à écrire tout un article sur l’adaptation du film dont tout le monde parlait. Pourtant, les adaptations avaient déjà du mal, mais que veux-tu : la naïveté des années 90 faisait que chacun y croyait à chaque fois. Il faut avouer, à leur décharge, que le jeu s’annonçait plutôt joli sur les captures d’écran, les mêmes captures qui ornent l’arrière du boîtier PlayStation d’ailleurs. Toujours ces mêmes captures qui, une fois le jeu achevé, donnent l’impression qu’elles n’appartiennent définitivement pas à la galette achetée. Le capital sympathie envers le titre ne peut qu’être élevé : un excellent film, des photos prometteuses, un style survival horror emprunté à Resident Evil, un boîtier qui nous rappelle tout cela. Évidemment : Men in Black donne envie. J’ai pour principe de dire qu’un jeu débutant par un écran de chargement est mauvais. Men in Black débute par un écran de chargement. Pire, les premières cinématiques du jeu sont absolument affreuses. Dessinées à la va-vite, façon comics du pauvre, aux couleurs criardes, elles dénotent immédiatement avec l’univers graphique du film. Et si les doubleurs officiels ont participé – ils n’auraient pas dû… – Danny Elfman, le fabuleux compositeur, n’a pas signé : cela se sent dès les premiers instants : c’est soit immonde, soit quelconque. Le premier écran de jeu arrive : Will Smith, en survêtement, dans un couloir d’immeuble. Oui, bonjour ?

Mizakido : Cette cinématique d’introduction fait très bien office d’avertissement. Mais la grande naïveté et la curiosité qui définit beaucoup d’entre nous poussent toujours à voir si vraiment c’est pourri. Ici nous sommes donc balancés dans la première partie du jeu, sans vraiment d’objectif ou de background. Le premier réflexe est donc de se la jouer à Resident Evil : fouiller ce couloir pour voir quelles portes s’ouvrent. Deux constats : le jeu essaye d’être drôle, comme dans le film, qui lui est très drôle, mais se rate complètement : humour douteux, répliques vaseuses et balancées n’importe comment et n’importe quand. Secundo, nous sommes bien en présence d’un énième clone du jeu de Capcom, pas seulement au niveau des décors fixes, mais aussi dans le contrôle du personnage façon tank, un style tellement perfectible que bon, pourquoi s’embêter à essayer de l’améliorer ? Les habitués ne seront pas perdus, mais ne pourront que pester devant une version empirée du système, avec une visée peu rapide – un appui pour dégainer, un autre appui pour ranger l’arme – qui exige ensuite d’être bien trop précis pour faire apparaitre ce minuscule curseur, seul gage d’un tir réussi. Ceci, on s’en rend compte dès les cinq premières minutes de jeu, juste avant qu’une bombe nous explose à la tronche, parce qu’un objet qui clignote rouge dans une pièce d’appartement, plongée dans le noir, sans pour autant biper, ont est censé savoir que c’est une fichue bombe. Après un rechargement du niveau, on s’exécute rapidement, et on élimine toute menace ennemie ou en rapport avec de vicieuses explosions. C’est l’occasion de voir que contrairement aux autres jeux du genre, appuyer sur la touche action déclenchera à chaque fois une animation où notre héros fera genre de fouiller le décor ou un cadavre à terre… Sans pour autant donner une alerte sonore ou textuelle indiquant qu’il n’a rien trouvé, ou qu’il ne s’agit tout simplement pas d’un élément interactif. De quoi être un peu perdu et parfois déçu. Une fois sorti de cet appartement de New-yorkais par l’escalier d’urgence, suite rappelons-le à un désamorçage et à la suppression de criminels sans aucun rapport avec des extraterrestres (si ?), nous voilà forcés de rejoindre rapidement le bas de l’immeuble. Comment me direz vous? Et bien en sautant ! Arrive alors, en pleine poire, toute la « beauté » de Men in Black.

Développeur
Gigawatt Studios
Éditeur
Gremlin Interactive
Année de sortie
1997
Supports
PlayStation
PC

Vidok : La poubelle de la ruelle. Cette poubelle, point de départ de la seconde partie du premier niveau, représente un peu tout le game-design apporté à Men in Black. Le décor de la ruelle est entièrement en CG, la poubelle également, donc élément statique de l’ensemble, tout le monde sera d’accord. Dans ce cas, comment en sortir ? Il aurait été logique de sauter par dessus, c’est d’ailleurs l’option que nous avons choisie, et réussie, après de nombreuses tentatives et découvrant l’angle exact de braquage nécessaire au bond. Les ennemis suivants étant costauds, il a fallu effectuer cette technique à plusieurs reprises… jusqu’à ce qu’un appui malencontreux sur la touche action, collé à l’un des côtés de la poubelle n’abaisse ledit côté. Aucun indice visuel ne permettait de tirer cette conclusion. Et c’est un peu cela Men in Black, une déferlante d’imprécisions mélangées à un gameplay extrêmement exigeant nécessitant par instant un doigté hors du commun. Le saut – bug – de la poubelle mais également plus tard une scène de plateforme qui fera enrager très certainement le plus patient des joueurs. Nous avons pesté contre elle, à nous demander si nous n’allions pas jeter la galette avant la fin. Men in Black est en quelque sorte un Demon’s Soul raté avant l’heure, un jeu qui ne vous aime pas, voire une référence à l’âge d’or d’Infogrames. Le prologue débouche sur la découverte du QG du MIB, événement excitant de prime abord et totalement anecdotique, puisque ne servant qu’au briefing de la mission suivante – il y aura 3 – et au choix de l’arme de prédilection. Un HUD minuscule et totalement inintéressant. Une sauvegarde survient à chaque fois que nous y arrivons, en plus des quelques unes en cours de niveau, assez rarement bien choisies il faut bien l’avouer. Comme bien d’autres choses…

Mizakido : Je trouve que les gens sont durs avec Infogrames, surtout quand notre jeu équivaut au moins à un Tintin au Tibet. On a l’impression que les développeurs ont disposé ces points de sauvegarde à chaque moment où l’on va rencontrer un certain nombre d’adversaires dans un endroit exigu ou une situation “difficile” qui demandera d’être recommencée une dixième de fois afin d’être passée. Pourtant ce n’est pas ce que montre le début de la première, vraie, mission, trompeur par la simplicité et le classicisme qui lui sont propres : une petite escapade en Antarctique, avec une ambiance pas spécialement ratée, quelques énigmes et aliens à buter… Mais c’est durant la seconde partie de cette mission que tout revient, dans un (SPOILER) vaisseau spatial, entre les angles de caméra pourris et les énigmes visiblement chronométrées (mais sans indication évidemment), on admirera avec consternation l’inutilité de la plupart des armes qui nous sont fournies en début de mission : les plus grosses pétoires sont lentes et peu puissantes et très souvent totalement inefficaces sur les gros monstres qui s’empresseront de vous comboter bien comme il faut avec leurs poings. C’est d’ailleurs avec ces derniers que la plupart des affrontements ne dureront pas dans le temps : il suffit de coincer la menace dans un coin et bourriner le bouton de tir. Pas très fin. Mais il est possible de se protéger. Enfin on s’en fiche en peu. Je me demande encore à quoi sert dans le jeu le célèbre « Neuralizer », ou encore le fameux criquet infernal, que l’on peut choisir d’emporter à chaque début de mission, avec le sentiment de faire une grossière erreur. Non finalement, il faudra mieux rester à l’essentiel : le pistolet et les poings dans la face. Il n’y a rien à sauver. Même pas la possibilité de choisir son agent préféré pour partir en excursion (L, K ou J), sachant que ce choix n’offre qu’un intérêt fort peu convaincant : les blagues. D’ailleurs, la troisième mission, en pleine Amazonie, avait de quoi faire rire, et rager.

Vidok : Les quatre missions constituent une blague des développeurs, faite aux joueurs. A 1€ de nos jours, c’est limite drôle, à 399 francs en 1998, beaucoup moins. On enchaine les niveaux sans s’impliquer, sans cerner les enjeux – peut-être car il n’y en a pas… – et surtout sans, comme tu le disais, s’attacher aux personnages. Ce sont pourtant les héros du film, avec leurs doubleurs… Entre les ennemis idiots, les monstres invisibles qu’il suffit de toucher pour les enchaîner, les lieux parfaitement inédits, comment ne pas douter? Comment ne pas se poser des questions quand l’on achève le premier boss de fin en vidant tout simplement tous ses chargeurs et le second aux poings (!) ? Heureusement, Men in Black nous achève après seulement six-sept heures de jeu. Encore une fois, heureusement. Il aurait été compliqué de tenir plus longtemps. Et d’ailleurs, pour quoi ? Une fin à l’image de l’aventure, ignoble et sans aucun respect pour celui qui s’est démené pour en arriver là. Le titre donne l’impression d’avoir été rushé… comme la plupart des adaptations. On en revient toujours au même constat. Et au final, survival horror ou pas survival horror ? Sur le papier, oui. Dans les faits, on remarque bien vite qu’il manque au jeu une finition qui lui aurait permis d’être pris au sérieux. Le bestiaire est ringard, une moitié humaine et l’autre venue de l’espace. Il y a bien quelques moments où les développeurs ont tenté d’instaurer de la surprise, notamment en Antarctique, dans les cases. Rien de bien mirobolant, mais une volonté qui disparaît totalement dans les deux dernières missions.

Mizakido : Il semble que tu aies oublié qu’en Amazonie, peu après cette téléportation digne de David Copperfield, survient le pire moment du jeu : traverser un énorme ravin en sautant sur une dizaine de plateformes mouvantes et volantes. Le développeur, visiblement pas conscient que le saut était totalement imprécis, a également jugé bon de s’amuser avec les perspectives et un personnage affiché en tout petit, histoire d’exploser notre patience et plusieurs manettes : en gros, tout joueur verra une pierre qui se déplace de haut en bas sur un plan parfaitement plat avec une abscisse et une ordonnée. Erreur. Celle-ci se déplace en fait en profondeur, sur un axe Z parfaitement invisible vu l’angle de caméra. Au final, il n’y a vraiment rien pour sauver Men in Black. Niveau sonore, les musiques sont répétitives et parfaitement chiantes quand elles se pointent à l’improviste pour faire “Ouah il faut avoir peur maintenant”, les blagues balancées par les héros sont nazes, les armes sont pourries, les énigmes sont peu inspirées ou incompréhensibles. Ce jeu est raté, et ne fait pas du tout honneur au premier film dont il se voulait d’être une sorte de suite. A côté, la qualité du véritable second épisode est un débat que nous n’ouvrirons pas, mais niveau jeu-vidéo, force est de constater qu’il existe, dans l’univers, d’autres titres encore plus horribles.

I have to go now. My planet needs me.

Flashouillez-moi !
Vidok

MIBouse
Mizakido