Interview Of Orcs and Men : Olivier Derivière

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Archaïc : Bonjour Olivier, première question, comme tu dois en avoir l’habitude, peux-tu te présenter à nos lecteurs ?

O.D. : Bonjour, je suis Olivier Derivière, compositeur spécialisé dans le jeu vidéo. Je suis aussi un gros gamer : je joue à tout ce qui me passe sous la main. J’essaie de tout finir, sans non plus chercher le 100% des succès et des trophées. Je suis avant tout un compétiteur, et surtout un hardcore gamer qui se dit que pour satisfaire sa passion des jeux vidéo, il est plus facile de faire de la musique que de la programmation. (rires)

Archaïc : En effet… Tes styles de jeu favoris ?

O.D. : (petite réflexion) Des jeux à forte identité. Que ce soit dans l’univers, le gameplay ou la mise en scène – même si c’est un peu ridicule de dire cela car ce n’est pas du cinéma – mais dans le sens « l’immersion ». Bref, tout ce qui fait la narration dans le jeu vidéo. Ça va aller du simple et magnifique Shenmue de l’époque, qui reste quand même pour moi cultissime et représente la quintessence d’un certain jeu vidéo, et les jeux plus fun à jouer. Il y a certes les jeux multi-joueurs – les Halo, les Battlefield,… – mais ça reste du classique. En termes de petits jeux bien hystériques et bien fous, je joue actuellement à Hidden in Plain Sight. C’est fait par un mec qui ne sait pas faire de graphismes, mais j’y passe mes nuits avec des potes.

Dans les derniers jeux qui m’ont marqué pour de vrai, genre « Wah ! », il y a Mass Effect 3. Au début je me disais que cela allait être horrible et arrivé à la fin, je me suis dit que c’était génial. Sauf que je ne suis pas rentré dans le débat de la fin car je ne suis pas passionné au point de lire l’encyclopédie Mass Effect et me dire qu’ils ont oublié de répondre à une question posée dans le premier épisode. Je préfère me dire que la progression finale est superbe. J’ai fait aussi Uncharted 3. Cela a beau être génial au niveau de la production, je trouve que le jeu est devenu trop facile, moins « challenging ». Mais techniquement, cela nous montre bien qu’il y a le jeu vidéo d’un côté et Naughty Dog de l’autre. Quand je pense que certains comparent Remember Me à The Last of US… alors que Remember Me est le premier jeu d’un tout jeune studio… C’est certes un peu normal que les joueurs ne réalisent pas cela, ce n’est pas de leur fait. Mais bon, quand tu as en face un Assassin’s Creed 3 qui est pensé et fait par 800 mecs, et Remember Me par 80, tu fais logiquement dix fois de contenu. D’autant qu’il doit s’agir du cinquième Assassin’s Creed… Bref, je voulais juste insister sur le fait qu’Uncharted 3, techniquement, c’est juste fou. Pareil pour Batman. Que ce soit le Asylum ou le City. J’ai préféré le Asylum, mais que ce soit technique ou narratif, le boulot abattu est énorme. J’ai été par contre déçu par Darksiders 2. Non pas qu’il soit mauvais, mais il n’est surtout pas meilleur que le un. Quand tu fais un numéro 2, il faut qu’il soit deux fois mieux. Ce sont les canons du jeu vidéo ! Et Sleeping Dogs aussi ! Vachement accroché, alors que pourtant…

Archaïc : C’était super mal parti !

O.D. : Ouais. (rires) Ils ont très bien respecté l’univers Hong Kongais que j’aime tant dans les films. Ils ont su faire le parfait compromis entre l’univers complètement ouvert à la GTA, qui m’ennuie au bout de dix heures de jeu, et le système super dirigiste de Mafia II. Je me suis vraiment pris au jeu, alors que je me serais bien vu lâcher aussi au bout de quelques heures. Voilà pour les jeux récents. Je me contente des jeux récents car les joueurs oublient vite les anciens jeux. Si tu commences à parler de Metro 2033, la plupart ne sait pas ce que sait…

Archaïc : Pourtant, c’était un bon FPS !

O.D. : Oui ! Mais c’est une industrie de l’éphémère. Tu fais un jeu, il fait parler de lui deux mois maximum, à moins de faire un Bioshock. Compte sur les doigts de ta main les jeux qui sont sortis et dont les gens se souviennent, et tu verras qu’il n’y en a pas beaucoup au final. Alors que pourtant, il y a des milliers de jeux qui sortent. Mais je m’égare. Bref ! Voilà pour mes derniers jeux.

Archaïc : Cela fait pas mal de gros jeux dis donc !

Olivier Derivière : Oui, ce ne sont que des gros jeux et c’est un peu ce qui m’agace. Tu prends Metro 2033 : c’était un jeu où il y avait un esprit complètement fou. C’était fait par des russes et ukrainiens qui racontent cette histoire malgré Tchernobyl. Il y a tout un état d’esprit et une narration, même si c’est complètement imparfait, et très loin d’un Battlefield. Mais il y avait une vraie ambiance, et c’est ça que je recherche dans les jeux vidéo. Pour moi, un jeu vidéo doit être synonyme de voyage. Non pas que les jeux réalistes m’ennuient. Il est bien de pouvoir fantasmer. Si tu prends l’exemple de Shenmue, ce qui n’a pas fait fantasmer les japonais, c’est de revivre leur quotidien, alors que nous occidentaux, nous découvrions. Ça, c’est un pan du jeu vidéo qui m’attire. Tandis que lors de la redite de la redite de la redite, en terme de gameplay et d’univers, comme le dernier Transformers, ou le dernier Spec Ops, où t’as l’impression de retrouver Gears of War maquillé, c’est un peu fatigant, même si je peux comprendre leur présence…

Archaïc : C’est malheureusement ce qui marche…

O.D. : Je dirais plutôt que c’est ce qui rassure, pas ce qui marche. Oui, ils vont faire du chiffre pour rentrer dans leurs frais. Mais ce qui marche vraiment, ce sont les gens qui vont prendre des risques. Le problème de prendre des risques, c’est que tu as une chance sur neuf de réussir. Donc, espérons que cela réussira avec Remember Me.

Archaïc : Il n’y a pas de raison, Remember Me a l’air bien parti.

O.D. : Ce n’est pas tant que c’est bien parti ou non, mais le souci, c’est comment cela va se finir. (rires) Il reste 9 mois de production, ce sont les 9 mois les plus dramatiques, dans le bon sens du terme. Comme cela a été le cas pour Alone in the Dark, et avant pour Obscure II. Ce sont les derniers mois qui sont fatals au jeu en lui-même. C’est très compliqué pour les jeunes studios comme Dontnod, vu la pression d’enfer des éditeurs. Je ne dis pas que ces derniers tentent de les casser, mais ils essaient de ne pas se casser les dents non plus. Cela devient donc compliqué pour tout le monde. Tu commences alors à faire des compromis pour plaire au plus grand nombre, au risque de ne pas faire les choses à fond. Pourtant, si elles avaient été faites à fond, peut-être que le jeu aurait tout explosé. Regarde GTA 3, ou Bioshock : les développeurs sont allés au fond de leur idée. Tout comme Dishonored, en tout cas j’espère. C’est tranché comme jeu. Il n’est peut-être pas très beau, mais il y a un réel parti pris, dans le gameplay et l’exploitation de l’univers. C’est ce qui m’attire dans le jeu vidéo.